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Organisateur
Gouvernance, Démocratie et Droits Humains
Lieu
Casablanca
Date
2014-05-06

I. Contexte sociopolitique

L’émergence d’une nouvelle force : les mouvements sociaux:
 

Voila déjà plus de 10 ans que le FMAS est au cœur des luttes des mouvements sociaux par son soutien et son implication, dans les forums sociaux, nationaux régionaux, internationaux et thématiques comme un des lieux privilégiés, non seulement d’échanges, de débats, mais aussi de mise en réseaux et d’articulation des luttes des nouveaux mouvements sociaux.

Ces nouveaux mouvements sociaux qui se multiplient au Maroc, investissent un champ quasi-vierge avec de nouvelles revendications et de nouvelles valeurs liées aux principes universels des droits de l’Homme, et ce, dans un nouveau contexte caractérisé par l’ouverture du système politique. Ils imposent de nouvelles formes d’action qui vont de l’organisation de sit-in dans les sièges des syndicats et des partis politiques d’opposition, jusqu’aux manifestations dans les rues, aux sit-in, aux grèves de la faim ou aux tentatives de suicide collectif, de l’immolation collective par le feu dans l’espace public… voire de dérives vers des actions violentes de destruction.

Comme ils peuvent promouvoir les valeurs modernes liées à la citoyenneté, à la justice, à l’égalité des sexes, au droit à la différence, etc., les mouvements sociaux peuvent également se mettre au service de la défense des valeurs conservatrices, anciennes ou traditionnelles. Le débat contradictoire est porté pacifiquement dans l’espace public.

Les protestations sociales ne se réduisent plus uniquement à des conflits sociaux horizontaux (entre classes sociales). Elles mettent également en exergue de nouveaux conflits sociaux verticaux.  Si les mouvements sociaux classiques cherchent à défendre des intérêts matériels (catégoriels) et symboliques, les nouveaux mouvements sociaux s’organisent plutôt autour d’un ensemble de valeurs liées à la citoyenneté, à la justice, à l’égalité des sexes, au droit à la différence, à la lutte contre les viols et les violences, à la protection de la nature,

etc... Ces derniers ont mis en relief d’autres formes de domination d’ordre social, sexuel, culturel ou linguistique. La particularité de ces nouveaux mouvements sociaux est qu’ils ne sont pas le produit de rapports économiques de production. Ils paraissent bousculer les formes classiques de gestion du conflit social et de représentation politique.

La politique ne se déroule plus seulement dans les sphères conventionnelles. Elle se fait également dans la rue. Conquérir l’espace public devient un enjeu de taille pour les mouvements sociaux revendicatifs.

Le mouvement du 20 février : un mouvement social à dimension politique

Début 2011, le mouvement du 20 Février animé par la jeunesse marocaine, à l’instar des autres pays de la région, déclenche un processus à dimension politique, qui, sans s’inscrire dans les enjeux de prise de pouvoir, se mobilise sur les exigences de la liberté, la dignité, la justice sociale, la démocratie. Les jeunes particulièrement et les acteurs de la société civile de façon générale, occupent l’espace virtuel, tout comme la rue, et manifestent contre la cherté de la vie, la corruption, l’injustice des politiques sociales et économiques, l’impunité, revendiquent la démocratie, la reddition des comptes.

Ce mouvement de protestation aura été à l’origine de l’amorce d’un processus de réformes constitutionnelles et l’adoption du nouveau texte de la constitution par voie référendaire le 1ier juillet 2011.  Si la nouvelle constitution consacre un chapitre fort de plus d’une vingtaine d’articles sur les libertés et droits fondamentaux et qu’elle prévoit la mise en place de nouvelles commissions et conseils nationaux, notamment sur les questions de la jeunesse et la vie associative, les systèmes de sécurité, la parité et la lutte contre les discriminations, elle restera insuffisante si elle n’est pas accompagnée par des réformes profondes, par l’harmonisation des lois avec la Constitution, par l’adoption de mécanismes pour une application effective de la loi.

Etat et gestion de la protestation populaire

Ce  n’est pas sans heurts que s’est déroulé le processus de réforme depuis son amorce à aujourd’hui. En effet, au cours de la dernière année, la situation a été marquée par des restrictions inquiétantes aux rassemblements publics, à la liberté d'opinion ainsi que par la recrudescence de la violence de l’Etat à l’encontre des mouvements sociaux de protestations et de contestations dues aux choix de

politiques antisociales qui ont généré des cycles de protestations, de répressions violentes, de criminalisation des mouvements sociaux, d’augmentation des budgets de la sécurité, du sentiments d’injustices face aux écarts indécents des niveaux de vie et des richesses, etc. Les manifestants ont eu à faire face, à maintes reprises, à la brutalité policière. Avant et au-delà du mouvement du 20 Février, les manifestations, sit-in, marches de protestations, occupations de locaux publics, voire privés, les mouvements sociaux de revendications, multiformes, s’accentuent, se radicalisent, prennent des tournures d’usage de la violence et font l’objet parfois d’une forte répression, (Ifni, Taghjijt, Agdem Izig, Sefrou, Youssoufia, Khouribga, Imiter, Taza, Agulmouss, Imzouren, les diplômés chômeurs, les femmes Soulaliyates, les mouvements contre la cherté de la vie, pour l’accès au logement, contre la hausse des factures d’eau et d’électricité, mettant en cause la gestion déléguée..).

Le Pouvoir, a exprimé, à travers ses actions, son aversion à l’égard de la foule, de l’attroupement et de tous les espaces susceptibles de créer un processus de communication sociale quotidienne. L’Etat agit et réagit comme s’il fallait rompre toutes formes de sociabilité pour arrêter le mécontentement collectif avant sa construction et éviter d’éventuels dangers. Vider les espaces publics devient un objectif sécuritaire : interdictions d’attroupements, interdictions de manifestations culturelles, rafles générales, fermetures des portes de mosquées juste après la prière, etc. Même les pratiques festives de la rue sont pourchassées par les autorités locales.

De par son attitude, l’Etat neutralise les espaces publics. Il favorise ainsi les retranchements des familles dans leurs habitations et par conséquent, l’assimilation de la rue à l’immoralité. La rue a tendance à devenir un espace réservé uniquement à la circulation dont l’Etat, par ailleurs, s’avère impuissant à assurer la sécurité.

C’est dans ce contexte que l’étude intervient. Suite à plus de deux ans de mobilisation des mouvements de protestation populaire au Maroc, ainsi que dans le contexte de crise globale et de détérioration des droits sociaux économiques des populations, laissant présager une exacerbation des protestations et manifestations en faveur de la dignité, de la justice sociale, de la démocratie et de la liberté.

II. Les objectifs  spécifiques de l’étude

Cette étude vise à:

  • Clarifier le concept de « mouvements sociaux » et ce qu’il recouvre au niveau du Maroc,
  • Dresser une bibliographie portant sur l’analyse des mouvements de protestation au Maroc,
  • Capitaliser sur les études antérieures pour les compléter et les enrichir et en dégager l’évolution des mouvements de protestation,
  • Faire une typologie des mouvements sociaux, leurs formes organisationnelles, leurs processus décisionnels,
  • Leurs relations aux organisations syndicales et politiques,
  • Dresser le bilan de l’action des mouvements de protestations et de revendications sociales et politiques au Maroc, 
  • Explorer les réponses et les mesures entreprises par le nouveau gouvernement en place pour faire face à cette situation,
  • Dégager les propositions de la société civile pour l’élargissement du cadre des  libertés de réunion et de rassemblement et de manifestation pacifique, et l’adoption de mesures pour lutter contre les obstacles, y inclus sécuritaires, à l'exercice de ces libertés ;

III. Les objectifs du FMAS 

L’objectif global est de contribuer à élargir le cadre de l’exercice des libertés publiques et renforcer la participation citoyenne aux processus de décisions politiques;

  • Analyser et comprendre les raisons qui sous-tendent les mouvements de protestations, leurs motivations, leurs organisations et fonctionnement et leurs objectifs…
  • Analyser l’attitude de l’Etat dans sa gestion de la protestation, dans son ambivalence…  
  • Analyser et Contribuer à combler les vides et carences juridiques en matière du droit de manifestations et rassemblements et attroupements publics partant de la primauté de l’Etat de droit et du respect des normes et conventions internationales en la matière ;
  • Contribuer à l’amélioration et l’harmonisation du cadre législatif et des pratiques régissant les libertés publiques et la gouvernance sécuritaire conformément aux nouvelles dispositions de la Constitution ;
  • Favoriser la participation des acteurs associatifs et particulièrement des jeunes dans l'édification de la démocratie et dans l'exercice du contrôle des politiques en matière de libertés publiques, des pouvoirs et des systèmes de sécurité, y compris la levée de l’impunité des personnes impliquées dans les cas de tortures et de violences injustifiées ;
  • Renforcer les acteurs associatifs dans leurs capacités d’analyse, d’évaluation et de plaidoyer pour le respect des dispositions de la loi et des conventions internationales en matière de libertés publiques, de droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels;
  • Formuler, avec les acteurs de la société, par une approche participative, des recommandations pour une gestion des systèmes de sécurité garante de la protection des droits et libertés, de la sécurité physique des citoyens et des biens publics et privés ;
  • Engager un dialogue entre les acteurs associatifs et l’Etat pour l’amélioration du cadre juridique et des pratiques en matière de libertés publiques, de gestion des systèmes de sécurité et de participation citoyenne à l’élaboration et la mise en œuvre  des politiques publiques ;
  • Continuer et renforcer le travail  engagé sur le rôle de la médiation sociale en situation de crise et formuler des propositions normatives en la matière ;
  • Rattacher ce travail et l’inscrire dans la bataille autour de la position et le rôle de la société civile et le droit des associations à exercer leur mission, en toute liberté de constitution, dans l'édification de la citoyenneté et la démocratie participative : le droit de réunion, de rassemblement, de manifestation, de pétition, d’« initiative populaire », etc. et dans l'exercice du contrôle des politiques publiques et ce, en toute autonomie de l’Etat et dans le respect des principes de démocratie et de pluralité .

                                                                                                                                                                                                                                                                   Réalisée par Pr. A. RACHIK